L’EPS participe-t-il vraiment à l’émergence des champions ?
La finalité de l'Éducation Physique (EP), puis de l’Éducation Physique et Sportive (EPS), fait débat depuis le début du XIXe siècle sous Napoléon Bonaparte. Légitimé avec la loi Georges de 1880 l’EP/EPS a toujours cherché à se conformer aux attentes de la société.
Dans un premier temps, la finalité de l’EP se veut axée autour de l’entretien et/ou de l’amélioration de la santé, même si divers courants existent.
Son premier tournant est apparu après les déboires des athlètes Français aux Jeux Olympiques de Rome en 1960 (0 médaille d’or). Le Président de la République, le général de Gaulle, déclare : "Si la France brille à l'étranger par ses penseurs, ses savants, ses artistes, elle doit aussi rayonner par ses sportifs. Un pays doit être grand par la qualité de sa jeunesse et on ne saurait concevoir cette jeunesse sans un idéal sportif." De nombreuses réflexions ont émergé jusqu’aux IO de 1967. Ces IO s'appuient sur la pyramide coubertinienne avec une logique de la pratique du sport pour tous dans le but de tirer une élite.
Il faudra attendre les IO de 1996 pour revoir un nouveau virage important de l’EPS avec l’apparition de la finalité de former un citoyen adapté au monde dans lequel il vit. Plusieurs adaptations feront leur apparition jusqu’en 2019. À ce jour, “L’éducation physique et sportive vise à former, par la pratique physique, sportive, artistique, un citoyen épanoui, cultivé, capable de faire des choix éclairés pour s’engager de façon régulière et autonome dans un mode de vie actif et solidaire.” Bulletin officiel du 22 janvier 2019.
Alors, pour résumer, oui, le ministre Jean-Michel Blanquer peut se réjouir du travail accompli par les professeurs d’EPS à propos des performances sportives des athlètes de haut niveau quarantenaires ou plus présents à Tokyo mais plus difficilement pour les autres. Cet hommage rendu envers la corporation des professeurs d’EPS est sans aucun doute maladroite car c’est une façon de les évaluer sur un objectif qui n’est pas le leur.
Ce tweet de l’ex athlète Maryse Ewanjé-Epée en est la parfaite illustration :
L’EPS n’est pas l’apanage du sport à l’école
Prompts à reprendre les déclarations du ministre, certains basketteurs Français ont rapidement démenti l’apport de l’EPS sur leur carrière. Quant à Martin Fourcade, lui a mis en avant le rôle de l’école dans sa globalité lorsqu’il évoque son parcours.
Comme écrit précédemment, avec l’EPS, l’école n’a pas vocation à développer des champions mais elle peut y contribuer grâce à de nombreux autres moyens. Parmi ces moyens, nous pouvons citer les vecteurs d’éveil comme les associations sportives scolaires rattachées aux fédérations scolaires (USEP, UNSS, UGSEL, FFSU …) ou bien les séjours sportifs (exemple de Martin Fourcade). D’autres moyens sont organisationnels comme les sports études ou encore les partenariats avec des associations sportives locales.
Certes, le système éducatif et ses amplitudes horaires laissent difficilement la place à une symbiose entre le développement sportif et scolaire, mais il serait faux de dire qu’il n’existe rien. Ce dernier point mériterait un débat et de nouvelles pistes de réflexion sur le développement sport / école. Par ailleurs, pris à cœur sur le sujet, dans une tribune, le vice champion olympique Evan Fournier en appelle à regarder de plus près le modèle américain. ("Féliciter nos athlètes tous les quatres ans ne suffit plus”)
Les associations sportives, berceau et créateur de champions
Dans ces débats animés, tous les athlètes et politiques se sont aisément rejoints sur un point : le rôle important des associations sportives françaises dans le modèle du sport français. Bien que parfois mises en opposition avec le sport à l’école, il faut y voir une complémentarité.
Ces associations ont pour objet d’accueillir et d’encadrer la pratique de leur(s) sport(s). Un rôle qui permet d’ajouter des missions sous-jacentes, absentes du sport à l’école, comme la promotion de la pratique, la participation et l’organisation de manifestations sportives, la pratique fédérale ou encore la formation vers le haut-niveau.
Ces associations composées de dirigeants, d’encadrants et de pratiquants unis par une même passion auront un rôle moteur et majeur à jouer dans l’héritage voulu par le Comité d’Organisation des Jeux Olympiques de Paris 2024 (COJO 2024).
Bien que leur rôle sera prépondérant dans les années à venir, il faudra se souvenir que derrière chaque athlète médaillé à Paris se cache un parcours. Dans ce parcours, dans l’ombre, il y a des bénévoles dévoués sans recherche de gloire, ne comptant pas le temps passé à servir d’illustres inconnus, qui seront peut-être un jour, champions olympiques.
Pour la réussite des Jeux Olympiques de Paris 2024, il ne faut pas comparer l’EPS avec le sport à l’école, le sport-santé ou le sport associatif, mais il faut et il le faudra encore plus soutenir le sport dans son ensemble.
Alors sportifs, soyons actifs, soyons collectifs, soyons sportifs.
